Une banque russe perd sa licence, le financement du FN menacé ?

La banque russe Pervy Tchesko-Rossisky Bank (First Czech-Russian Bank) vient se perdre sa licence bancaire. Située à Moscou, cette banque privée, 126ème place sur le marché bancaire local, appartient à 100% au russe Roman Popov, un ancien de Gazprom. Elle est surtout connue pour son rôle dans le financement de Front National qui a reçu 9,4 millions d’euros de la FCRB en 2014. Ce financement a été alloué peu de temps après que Marine Le Pen avait publiquement soutenu l’annexion par la Russie de la Crimée ukrainienne. Et un nouveau financement, beaucoup plus conséquent, était en négociation en prévision des élections de 2017.

banque russe financement FN FCRBSiège de la FCRB, rue Lobachevskogo à Moscou

Marine Le Pen explique le recours à l’argent de Moscou par le refus des banques françaises de prêter à son parti politique. La réalité est un peu plus complexe. Le FN a acquis une réputation de mauvais payeur après sa campagne législative de 2007, quand le parti restait redevable de 8 millions d’euros aux différents créanciers. Dont plus de 5 millions d’euros à la Société Générale qui avait une hypothèque sur le siège du parti à St Cloud. La banque avait engagé la saisie du bâtiment. La vente de cet immeuble avait permis in extremis de rembourser les créances tout en sauvant les apparences. Mais le FN n’a plus de base pour une nouvelle hypothèque. Les banques françaises ont été échaudées par la gestion financière du parti. Le rejet des comptes de campagne de Sarkozy en 2012 a encore ajouté de l’incertitude.

En face, depuis le virage du Kremlin à l’extrême-droite la Russie s’était mise à financer les partis « idéologiquement proches » à travers l’Europe. Pas seulement le FN en France mais aussi ses homologues aux Pays-Bas, en Italie, en Autriche, en Hongrie, selon les révélations publiées par The Telegraph et par Independent. Le retour à une pratique qui avait cours à l’époque soviétique, quand Moscou finançait en cachette des « partis frères » communistes à travers l’Europe par l’intermédiaire du KGB. Vladimir Poutine y exerçait alors. Aujourd’hui il n’est plus question de se cacher, c’est en plein jour que la Russie a organisé le rassemblement des partis d’extrême-droite et des néo-nazis baptisé International Russian Conservative Forum, en mars 2015 à St Petersbourg. Une quinzaine de mouvements étaient présents, dont les nostalgiques du Reich du NPD allemand ou l’Aube Dorée grecque avec sa croix gammée à peine déguisée comme logo. Le FN a décliné l’invitation, la dirigeante frontiste craignant des photos compromettantes.banque russe financement FN Le Pen NarychkineMarine Le Pen à Moscou avec Serguei Narychkine, un ancien du KGB, ami de Poutine et homme politique russe

Début 2016, le Front National a commencé la négociation pour obtenir un nouveau prêt de 27 millions d’euros, dont 12 millions pour les élections présidentielles 2017 et 15 millions pour le scrutin législatif. « La somme évoquée de 27 millions d’euros est exacte et correspond aux besoins financiers du parti pour les deux prochains rendez-vous électoraux« , confirmait Wallerand de Saint-Just, trésorier du FN au Nouvel Observateur en février. Il annonçait que la Russie était pressentie pour apporter l’argent nécessaire à son parti, toujours à travers la FCRB. A ce moment la banque russe venait juste de renouveler sa licence, rien n’annonçait les problèmes qui allaient suivre.

Un mois plus tard, patatras. Peu concernée par les projets paneuropéens du Kremlin, la Banque centrale russe plaçait la FCRB en observation fin mars, avec un moratoire sur ses créances. Elle expliquait alors que la banque « ne respectait pas les normes bancaires notamment en ce qui concerne l’insuffisance des fonds propres et leur baisse en dessous de la valeur minimale du capital social ». Il ne s’agit pas d’un cas isolé, plusieurs dizaines de banques russes perdent leur licence chaque année, généralement pour cause d’activités situées hors du cadre bancaire traditionnel.

Le 1er juillet 2016 le couperet est tombé. Privée de licence bancaire, la FCRB va disparaitre rapidement. Ses dettes seront en partie couvertes par un fonds d’assurance. C’est une nouvelle intéressante en ce qui concerne les finances déjà perçues par le FN par ce biais.

En revanche le projet de financement des campagnes électorales de 2017 à travers la FCRB tombe à l’eau. Il faudra trouver rapidement d’autres canaux pour que le Front National puisse continuer à bénéficier du soutien russe. Les options ne manquent pas. Cotelec, le micro-parti de Jean-Marie Le Pen avait aussi reçu 2 millions d’euros en provenance de Russie en 2014, mais cette fois-ci l’argent avait transité par des structures chypriotes détenues par des proches du Kremlin. Le parti de Marine Le Pen sera-t-il financé par le même canal que celui de Jean-Marie Le Pen, malgré la brouille entre le père et la fille ? La réponse à cette question se trouve à Moscou.